Les systèmes alimentaires locaux demeurent souvent vantés comme des alternatives prometteuses au système alimentaire mondial. On les crédite de nombreux avantages, tels que la reconnexion entre consommateurs et producteurs, la promotion de la consommation de produits frais et nutritifs, le soutien aux producteurs locaux, et la stimulation des économies locales. Cependant, cette vision idyllique est entachée par plusieurs nuances et controverses.
Illusion de l’écologie locale des systèmes alimentaires
La croyance selon laquelle un produit local est automatiquement plus écologique, juste ou éthique, appelée le « piège local », a été largement démystifiée. Les systèmes alimentaires locaux ne sont pas intrinsèquement plus respectueux de l’environnement ou plus équitables que les systèmes industriels. Cette illusion persiste néanmoins, nourrie par un discours marketing séduisant mais trompeur.
Salaires médiocres et travail sous-payé
Des recherches récentes ont mis en lumière une réalité préoccupante : de nombreux emplois dans les systèmes alimentaires alternatifs aux États-Unis sont sous-payés et ne proposent pas de salaires compétitifs. Le mouvement pour l’alimentation locale affirme souvent que les bas prix des denrées alimentaires conventionnelles ne reflètent pas le véritable coût de la production alimentaire. Or, si les systèmes alimentaires locaux reposent également sur des salaires médiocres, ils ne résolvent en rien ce problème.
Précarité des travailleurs migrants
La question de la main-d’œuvre agricole migrante reste complexe en Amérique du Nord. Aux États-Unis, la loi de 1983 sur la protection des travailleurs agricoles migrants et saisonniers a fait des progrès. En effet, elle protège ces travailleurs contre les sous-traitants abusifs. Cependant, une exception subsiste. Elle maintient les travailleurs agricoles dans une situation précaire. En l’occurrence, ils sont privés de droits fondamentaux, comme la protection des heures supplémentaires.
Voir aussi: Bien faire ses courses: le choix des produits éthiques
Au Canada, les travailleurs agricoles temporaires reçoivent des permis de travail fermés. Ces permis n’offrent pas de voie sécurisée vers la résidence permanente, contrairement à d’autres permis de travail. Les programmes de travailleurs étrangers temporaires sont qualifiés de « terrain fertile pour les formes contemporaines d’esclavage » par le rapporteur spécial des Nations Unies. De manière surprenante, les systèmes alimentaires locaux dépendent de plus en plus de cette main-d’œuvre. Ils omettent souvent de reconnaître la présence de ces travailleurs racisés dans leurs campagnes de marketing.
Remise en question du caractère local des systèmes alimentaires
Cette dépendance à l’égard des travailleurs agricoles migrants remet en question le caractère réellement « local » des produits. Si ces travailleurs ne font que passer, comment les produits peuvent-ils être véritablement considérés comme locaux ?
Améliorer les systèmes alimentaires locaux
Pour que les systèmes alimentaires locaux réalisent pleinement leur potentiel de durabilité, il est impératif de relever les défis liés au travail, non seulement pour les travailleurs agricoles, mais pour tous les acteurs impliqués. La problématique est structurelle : pendant des décennies, le prix réel des denrées alimentaires (ajusté en fonction de l’inflation) a baissé au détriment de l’environnement et des travailleurs agricoles.
Conclusion : un défi structurel
Le mouvement alimentaire local, motivé par des consommateurs, cherche à soutenir des pratiques de production alimentaire plus durables et éthiques. Beaucoup sont prêts à payer davantage pour soutenir les fermes locales. Cependant, pour que cette vision devienne réalité, il est crucial de s’attaquer aux problèmes structurels et de garantir des conditions de travail équitables pour tous ceux qui participent à ces systèmes alimentaires. Les consommateurs doivent rester conscients des réalités complexes et souvent dissimulées derrière le label « local ».
